Archive [HISTOIRE] Bibliothèque des pavés de Valy

Valyrian

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Recensement de mes différents pavés, essentiellement d'histoire. Postés sur ce topic d'une façon ou d'une autre, de préférence revus et corrigés.

Pavés du Discord :

Ibn Khaldun et Asabiyyah
Les Grecs et la technique
Monde Hellénistique, religion et évolution (Péter Green)
L'Empire Byzantin était-il féodal ?
Abandon d'enfants à Rome et vie familiale
Royauté barbare et idéologie
Idéologie Royale : les Carolingiens
Querelle des Investitures : arguments Guelphes, arguments Ghibellins
Mariage et sexe dans la première partie du Moyen-Âge (1/2)
Mariage et sexe dans la première partie du Moyen-Âge (2/2)


Pavés de JVC :


Pavés d'AVN :


Pavé sur la féodalité


Pavés de Noeltopia :

Les failles majeures de Barbarossa (part 1)
Les failles majeures de Barbarossa (part 2)
Note sur "Le capitalisme au Moyen Âge" de Jacques Heers
Notes sur "Le capitalisme au Moyen-Âge" de Jacques Heers 2 : note sur l'usure
Notes sur "Le capitalisme au Moyen-Âge" de Jacques Heers 3 : Quelques notes sur le capitalisme et la finance
Notes sur "Le capitalisme au Moyen-Âge" de Jacques Heers 4 : Les finances publiques (ou : pourquoi l'administration c'est toujours le bordel)
Les partis et la vie politique au moyen âge - Jacques Heers. Partie I : Distinctions et Précisions nécessaires
Les partis et la vie politique dans l'occident médiéval - Jacques Heers. Partie II : Formation et organisation.
Les partis et la politique dans l'occident médiéval - Jacques Heers. Partie III : Impacts et conséquences
Notes sur 'Le clan familial au Moyen âge - Jacques Heers (1/2)
Notes sur 'Le clan familial au moyen âge' de Jacques Heers (2/2)
 
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Ibn Khaldun et Asabiyyah

Pour Ibn Khaldun, il y a deux mondes très différents mais qui sont toujours en connexion étroite : le monde nomade et le monde sédentaire.

Le monde sédentaire , c'est tout ce qui est ville et environs (y compris donc les systèmes d'agriculture complexe ). C'est ici qu'on trouve la richesse , le gouvernement , mais aussi la culture et littérature : il n'y aussi pas de culture ou littérature sans ville. Pas de commerce et d'artisanat non plus d'ailleurs. C'est vraiment la civilisation complexe, qui découle (et a besoin) des villes.

L'état , pour fonctionner, a besoin d'impôts , il doit donc taxer les habitants. Pour que la collecte d'impôts se passe sans problème, l'état désarme la population. Le problème, c'est qu'en désarmant celle ci, il rend les citadins complètement inutiles en terme de capacité de combat : les seuls citadins ayant une quelconque valeur militaire sont en gros les racailles et les petites frappes, et même là leur manque de discipline et d'entraînement les rend minables sur un champ de bataille. Le monde sédentaire renonce donc à la valeur militaire en échange de la richesse (Sans parler du fait que le monde sédentaire demande de la stabilité, donc même sans intervention de l'état il va naturellement tendre vers un relatif désarmement).

De l'autre côté , tu as les nomades . Si tu ne trouves pas grande richesse (produite par eux, j'entends ) ni culture ou commerce , leur mode de vie difficile et rigoureux en fait de très bons guerriers . Par "nomades "("badawi"; bédouins) il faut comprendre ici à la fois les vrais nomades genre mongols , mais aussi les sociétés tribales et même les peuples qui ne vivent pas sous la tutelle d'un état fort : par exemple, des highlander écossais seraient des "nomades" pour Ibn Khaldun.

Mais ce qui fait la force principale des nomades , c'est leur formidable Asabiyya, ou Esprit de Clan. Chaque membre est prêt à se sacrifier pour son clan sans demander aucune compensation (en théorie), et tout les membres sont comme des frères. Les difficultés dans les environnements "nomades" créent des liens forts de façon presque naturelle. Ce formidable esprit de corps rend les nomades extrêmement redoutables au combat, surtout que cet environnement les forme en général "à la dure" d'un point de vue militaire. Cependant, cette Asabiyya n'est réservée qu'aux membres du clan, et les nomades passent leur temps à se combattre entre eux : leur Asabiyya est intra clanique, pas inter clanique. Il y a donc une instabilité dans le monde nomade où ceux ci se battent pour les ressources.

A l'opposé, les sédentaires sont totalement dépourvu d'Asabiyya, et leurs soldats et leur administration, si mauvais fussent ils , réclament de larges compensations financières ou sociales, les rendant donc peu sûrs en plus d'être mauvais. Même quand ils sont sûrs, cela engendre des coûts assez importants dans la gestion de l'administration, bien plus que chez les nomades, qu ieux n'ont pas besoin de cette bureaucratie : les liens d'hommes à hommes sont forts.

Comme je l'ai dit plus haut , les nomades restent bien souvent dans leur coins , sauf lors d'alliances temporaires pour piller une caravane ou une ville sédentaire , leur potentiel militaire est donc essentiellement gâché ou inutilisé. Cependant, à un moment donné , un message religieux (dawa) va leur être transmis . Ce message religieux (que ce soit carrément une évangélisation de païens ou même un changement de doctrine ou réinterprétation des textes ) transmis aux différents clans va unir tous ces nomades en un gigantesque Asabiyya, inter clanique cette fois. Cette union de clans va donc conquérir un État sédentaire et se sédentariser en utilisant leur formidable puissance militaire. Ce Message religieux est une étape absolument cruciale dans le cycle de Khaldun , la religion a donc une place primordiale dans la vie et la mort des civilisations.

Cette installation de nomades dans un État sédentaire est la première étape du cycle de Khaldun. Les nomades n'ont pas besoin de compensations financières , et l'argent coule donc beaucoup plus facilement dans les caisses . Leur valeur militaire est très élevée, aussi les régiments nomades agrandissent considérablement l'Etat et ses territoires. C'est la phase d'expansion et d'âge d'or, ce qui dégage d'ailleurs souvent beaucoup de revenus pour l'activité intellectuelle ou culturelle.

Mais au fil des générations, les nomades se sédentarisent de plus en plus et perdent cette Asabiyya qui était le leur , ce qui va graduellement alourdir les finances publiques (et peut même conduire à une forte dépopulation des villes à cause d'impôts trop élevés ), et diminuer la valeur militaire de l'armée, sans parler de la solidarité de la classe dirigeante qui va demander des compensations . L'état va donc ou bien s'effondrer face à une armée nomade, ou bien renforcer artificiellement son Asabiyya en achetant des esclaves soldats (ou des mercenaires) venant de pays "Nomades " ou l'Asabiyya est forte. Quand on parle d'esclaves soldats, on parle de jeunes hommes achetés très jeunes et entraînés toute leur vie avec le meilleur équipement possible , pas de clodos en tongs allant au combat au son du fouet . Un exemple ultra connu : les Janissaries.

Le problème c'est que l'Asabiyya de ces soldats finira elle aussi par se perdre au fil du temps , ce qui veut dire qu'il faudra également que l'Etat prenne ses esclaves soldats d'une autre source , etc .

C'est donc en gros ça le cycle de vie et de mort des civilisations selon Khaldun , en gros c'est le classique : Les difficultés engendrent les forts , qui engendrent la prospérité, qui engendre les faibles qui engendrent la ruine .
 

Valyrian

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Les Grecs et la technique

Les Grecs n'avaient pas une croissance très importante du progrès technique comme on peut en avoir aujourd'hui. C'est entre autres parce que la science, ils voyaient ça comme un domaine purement intellectuel et parfait. L'application de ces science était vu comme vulgaire et médiocre, à la limite pour amuser la galerie mais c'est tout. C'est d'ailleurs pour ça que là géométrie était très bien vue parce que dans la théorie c'était le fait de construire des formes "parfaites" et immatérielles (d'ailleurs prouver ses compétences en géométrie était nécessaire pour entrer dans l'Academie de Platon) alors que l'algèbre calculatoire (donc les applications), c'était vu comme étant un truc de marchands donc à éviter (avec des nuances bien entendu, mais il y avait une préférence pour la géométrie).

Et tout progrès scientifique devait se placer dans une théorie d'explication du monde, par exemple l'astronomie devait pour Aristote correspondre à son idée géocentrique avec la terre au centre de l'univers. C'est d'ailleurs logique car la Philosophie c'est littéralement l'Amour de la Sagesse, la science est comprise comme faisant partie intégrante de la philosophie (on appelait d'ailleurs les scientifiques "philosophes naturel" jusqu'au 17eme siècle). Mais c'est la Science pure, la Science en tant que telle, qui est aimée en tant que recherche des mécanismes du monde, ce n'est pas l'application de la science qui est recherchée. Ça, c'est un truc de bourgeois, si j'ose l'anachronisme.

La science est comprise comme extension des modèles permettant de comprendre le monde, et il est donc logique que celle ci soit traitée en conséquence. Et c'est pourquoi malgré des capacités assez impressionnantes (création d'automates assez poussés par exemple), il n'y a pas de course à la technologie. Il faut dire que la présence massive de main d'œuvre pas chère (les esclaves) rendait de toute manière superflue cette course à la technique.

(Les Grecs ont même développé des calculs très complexes pour expliquer la rotation des planètes selon ce système pour que ça colle à la théorie géocentrique, c'était un réel effort d'intégration de la science dans cette théorie, et non pas du simple obscurantisme qui s'entêterait au delà de toute évidence, comprenons nous bien)
 

Valyrian

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Monde Hellénistique : religion et évolution (Peter Green)

Après les conquêtes d'Alexandre, le monde hellénique a genre décuplé de volume, à tel point qu'on a dû lui trouver un nouveau nom : le monde Hellénistique. Alexandre a créé malgré lui d'immenses Empires, et ses généraux ont créé des Royaumes, de véritables hegemon qui dominent le monde méditerranéen et surtout le monde Grec. Mais de fait, les Grecs ordinaires ont de moins en moins de pouvoir. Eux qui étaient les membres d'une polis indépendante, ils sont désormais sujets d'un vaste Empire. Là où leur souverain, s'il n'était pas élu par eux, était toujours relativement proche, il est désormais à des milliers de kilomètres dans des palais parfois plus grands que leurs villes ou villages.

Tout ça a fracturé l'idéal collectif de la polis au profit d'un monde d'individualisme, car la polis collective de Platon n'avait plus beaucoup de sens dans ce monde nouveau où certains hommes étaient clairement plus égaux que d'autres, comme dirait Orwell, surtout avec les richesses fabuleuses rapportées d'Orient. D'ailleurs l'auteur que je lis dit que ça a relancé la place de la femme dans la société, car on s'est tourné vers le foyer plutôt que vers l'agora, et donc vers sa famille plutôt que vers ses concitoyens. L'inutilité de l'activisme politique dans un monde où l'état se situe sur trois continents a rendu les Grecs plus égoïstes en cassant un peu leurs repères "egalitaristes", même si c'est un peu un anachronisme. Comment participer à la vue politique de sa cité si un gouverneur de Province Macédonien campe à 25 kilomètres avec ses phalanges, prêt à écraser toute contestation ? Comment se sentir proche de ses concitoyens quand les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?

Cette situation a aussi bouleversé la situation religieuse. Le vieux panthéon olympien paraissait anachronique dans un monde où les polis n'existaient plus que nominale ment. Comment croire les vieux mythes de la guerre de Troie quand Alexandre a marché jusqu'en Inde ? Du coup on voit une prolifération incroyable de "dieux" genre Tyche, la Fortune, qu'on peut traduire par la Chance ( ou son absence). Et en fait on constate une sorte de démission généralisée, et les réflexions philosophiques et religieuse du temps c'est en gros "Toutes vos actions sont gouvernés par Tyche / les étoiles / divinité suprême à la con donc finalement c'est pas tellement votre faute, vous avez pas vraiment de prise sur votre destin". Une sorte de fatalisme disons.

Par ailleurs, il y a une énorme prolifération de trucs comme l'astrologie ou la magie, genre philtres à la con etc. L'astrologie découle directement de cette histoire de destin qu'on peut lire dans les astres, et c'est une idée de toute façon présente depuis la nuit des temps, qui se base sur l'idée que l'univers a grosso modo une structure similaire à grande échelle et à petite échelle, et en observant les étoiles, on peut déduire que l'univers se trouve dans une configuration particulière, et que donc le cheval que vous avez perdu se trouve à tel endroit ou même, pour les plus doués, prédire ce qu'il va probablement arriver. Il faut bien comprendre que c'était une discipline prise très au sérieux et qui nécessitait des calculs complexes. Astrologie et astronomie étaient bien souvent liées.

Mais l'astrologie qui s'est développée à cette époque, de même que la "magie", relève plus de la version de comptoir qu'on peut observer aujourd'hui. Comme le dit l'auteur que je lis "Des hommes terrorisés par des autocrates humains rêvaient de contraindre des démons à leur obéir. Les vieilles ivrognes sans le sou devaient éprouver une certaine satisfaction en pensant qu'on leur imputait le pouvoir d'invoquer la lune, de se transformer en chauve souris à la nuit tombée ou d'inverser le cours des fleuves. Et peut être y croyaient elles elles mêmes. "

En fait, d'une certaine façon on cherchait à astiquer sa bonne étoile pour qu'elle brille plus fort ou essayer d'influer sur ce Destin via des moyens occultes, en quelque sorte. Puisqu'on ne peut plus influer sur son destin par les voies classiques, on essaie les voies détournées. De tout ça découle d'ailleurs les cérémonies comme les fameux mystères d'Eleusis et autres cultes à mystère, précurseurs du Christianisme d'un certaine façon, puisque promettant l'immortalité de l'âme à ses adeptes, qui auraient la possibilité de découvrir les secrets de l'univers à travers ces rites occultes.
 

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L'Empire Byzantin était il féodal ?

En général, non, on peut pas vraiment dire ça, au moins jusqu'en 1100 à peu près. Mais si tu connais tes leçons d'histoire, tu sais qu'en 1071, c'est Manzikert, suivi de guerres civiles, d'invasion de la part des occidentaux (les Normands de Sicile et d'Italie ), de Petchenegues (des nomades) et des Turcs et ceci au Nord, à l'est et à l'ouest. Si bien que au bout d'un moment le vieux système militaire byzantin se casse un peu la gueule. Ce vieux système consistait à louer des terres à des paysans modérément aisés en échange du service militaire. Il fonctionnait surprenament bien en permettant à l'état de lever rapidement un grand nombre de soldats bien équipés (puisque suffisamment riches pour entretenir l'équipement) et motivés.
Mais les invasions et l'occupation de vastes portions de territoire byzantin, sans parler des guerres incessantes, ont virtuellement détruit l'armée byzantine. Du coup Alexis I er Comnène, lorsqu'il arrive au pouvoir en 1081, arrive à faire une sorte d'union sacrée (c'est un terme qui fait référence à l'union des partis politiques pendant la première guerre mondiale, pour info), entre toutes les familles nobles Byzantines pour sauver ce qui pouvait l'être.

Le problème, c'est que les familles nobles demandent des contreparties territoriales, là où avant elles se contentaient de jobs à la cour ou de commandement militaires. Du coup Alexis arrive à unifier complètement l'état et la noblesse derrière lui et à reforger l'armée et les finances en un temps record, mais il a dû concéder pas mal de terres aux nobles, ainsi que pas mal de droits et compagnie en échange de leur entière coopération. Entre ça et la politique matrimoniale des Comnènes qui se mariaient dans toutes les grandes familles, on a rapidement eu l'impression que les Comnènes vendaient le pays aux membres de leur famille.

Cependant, ça a surprenament bien marché au début, et Alexis et ses descendants ont pu restaurer de façon spectaculaire la puissance byzantine. Mais ses successeurs n'ont pas trop eu le choix et ont dû entériner les mesures prises par Alexis, du coup on se retrouve avec des pans entiers du territoire qui sont sous contrôle de ce qui est essentiellement des nobles féodaux qui ont une forte indépendance vis à vis de l'état central.
Ça marchait bien quand l'empereur en place était puissant et savait tenir les nobles en laisse, en fait ça marchait tellement bien que le petit fils d'Alexis projetait d'envahir l'Égypte avec les Croisés, a envahi une bonne partie de l'Italie et a fait de la Hongrie et des États des Balkans des vassaux de l'Empire, ce qui est une résurgence impressionnante pour un État au bord de la destruction un siècle plus tôt.
Sauf que le jour où c'est un mec plus faible qui est arrivé au pouvoir, c'était terminé. Déjà que l'état était devenu très corrompu et que les nobles étaient bien retranchés dans leurs nouveaux privilèges, sans un Empereur fort pour les faire rentrer dans le rang, le système se délita rapidement. Ya bien eu Andronic Comnene qui a essayé de décapiter de l'aristocrate pour se faire respecter, mais ça a pas duré longtemps, pour des raisons évidentes, comme des révoltés constantes de nobles. La suite, c'est l'histoire d'une longue descente en enfer pour l'Empire
 
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Abandon d'enfants à Rome et vie familiale

Pour les abandons d'enfants, il y avait des sortes de colonnes aux pied desquelles on pouvait déposer des enfants non désirés, et un peu tout le monde pouvait venir les récupérer, esclavagistes ou non. Souvent, c'était bel et bien pour les réduire en esclavage. Donc effectivement ça existait et était assez répandu, puisque Pline le Jeune pose plusieurs questions à ce sujet à Trajan quand il était gouverneur de province (notemment "Est ce qu'un bébé qui est plus tard affranchi doit rembourser le coût de son éducation à ceux qui l'ont recueilli?"). Trajan lui a répondu que ce genre de cas était souvent discutés et qu'il devait se débrouiller.

Cela dit, il semble que les adoptions aient été assez limité, et en général se pratiquaient après l'adolescence. Quand ce n'était pas le cas et qu'on adoptait un enfant, c'était plus dans l'objectif d'avoir des aides supplémentaires dans les champs où à la boutique que de nouer des liens affectifs comme on peut voir de nos jours. De fait, on a retrouvé pas mal de messages gentils des membres de la famille sur les pierres tombales de Romains, mais assez peu proviennent de mecs adoptés en général. Donc on peut effectivement en déduire que pas mal de bébés abandonnés étaient de facto utilisés comme esclaves. Mais vu la mortalité infantile, c'est pas entièrement sûr qu'on les ait envoyé dans des mines quoi, ça vaudrait pas le coup ou l'investissement, tu n'achète pas un enfant esclave pour bosser alors qu'il a 40% de chances de mourir avant 10 ans. On en faisait probablement des esclaves domestiques, donc pas les plus mal lotis.

Sur la famille, déjà manifestement le mariage et le divorce étaient assez faciles. Malgré tout, le divorce n'était pas commun, en tout cas clairement pas dans les proportions d'aujourd'hui. Ce qui est intéressant puisqu'il semblerait que la procédure d'aujourd'hui soit plus compliquée mais on trouve plus de divorces. Cela dit, le nombre de remariage etait assez important pour que le cliché de la méchante belle mère soit assez répandu (notamment dans les œuvres littéraires).

Cela dit, le nombre de familles recomposées était assez élevé, notamment à cause de la mortalité assez élevée. On vivait assez souvent avec des demis frères et des demis sœurs, et évidemment avec des esclaves et les grands parents, malgré une absence de liens profonds entre grands parents et petits enfants à cause de la mortalité encore une fois. Cela dit, la famille nucléaire était la référence principale de l'imaginaire Romain et des écrivains, il semblerait.

En terme d'éducation, les mères romaines étaient censées être l'éducatrice morale de ses enfants, et il semble que les liens des mères romaines avec leurs enfants était forts en général, et duraient toute la vie. Le cliché de la maman d'une famille tradi en fait j'ai l'impression.

Les Romains considéraient que les enfants sont de petites choses fragiles physiquement (normal vu la mortalité infantile), mais qu'ils doivent être préparés à la vie d'adulte le plus tôt possible : il faut les discipliner, les socialiser, les former etc. Quitte à utiliser les châtiments corporel. L'adolescence n'était pas un concept qui existait réellement, on se disait juste que c'était une période où il fallait donner un peu plus de liberté en dehors du foyer.

De plus, le pater familias a autorité juridique sur sa famille, en théorie, il a le pouvoir sur globalement toutes les possessions de la familles, à tel point que c'est techniquement les siennes. Tout ce qui est à ses enfants, y compris à l'âge adulte, est à lui, sauf si il décide du contraire. "Heureusement", la mortalité élevée et les décès relativement jeunes des parents faisait qu'il n'y avait pas beaucoup de conflits intra familiaux liés à ce pouvoir très important. Cela pouvait néanmoins créer des problèmes, notemment la situation théorique fictive que raconte Seneque :

Imaginez que votre père se brouille avec votre oncle qui est miséreux, vous donnez à manger à l'oncle, votre père vous expulse.

Du coup votre oncle vous adopte pour vous remercier , reçoit un héritage et devient soudainement riche. Maintenant, c'est votre père biologique qui est miséreux. Vous lui donnez à manger, paf votre oncle vous expulse.

Techniquement si cette situation arrive, il n'y a pas vraiment de recours juridique et vous devenez un clodo. Pourtant vous n'avez fait qu'aider votre famille
 
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Royauté Barbare et idéologie :

Alors donc, rapide contexte de la prise de pouvoir des Barbares en Occident :

A l'origine, les Barbares sont un corps étranger plus ou moins intégré à l'Empire en échange du service militaire. On donne aux barbares des terres où ils peuvent vivre sous leurs chefs, l'administration économique et politique relevant de l'Empereur et de ses agents. Imaginez ça comme un camp de migrants qui élit ses représentants en échange de l'obéissance au pouvoir civil et du service militaire, pour faire très simple.

Dans le sillage de l'effritement puis l'effondrement du pouvoir Impérial, c'est tout naturellement que ces chefs militaires prennent sous leur protection les administrés et se substituent à l'état romain, que les souverains barbares admiraient particulièrement : tous leurs chefs sont romanisés à un degré plus ou moins élevé.

A l'origine la relation avec le Roi est simple, on met deux qualités en avant : la prouesse guerrière et le sang (la famille royale élargie bénéficie d'un traitement de faveur par le souverain). C'est une vision assez clanique du pouvoir, relations d'homme à homme toussa toussa. Mais la christianisation et le gouvernement sur des peuples entièrement différents (les peuples gallo/ibéro Romains, etc) avec une longue histoire de philosophie sur la réflexion du pouvoir va fortement influencer la façon dont est perçue le Roi. Voilà pour l'introduction.

Alors il faut bien comprendre que l'effondrement du monde Romain signifie que la culture, et j'entends par là la littérature, se casse un peu la gueule. Elle ne disparaît pas, mais elle relève désormais essentiellement de bibliothèques privées, donc des nobles ou ancienned familles de notables d'origine romaine. A tel point que finalement, virtuellement tous les intellectuels et les lettrés sont des gens d'église (c'est vers la carrière ecclésiastique que se tourne l'ancienne aristocratie Romaine, la carrière des armes leur étant en gros fermée car réservée aux Barbares et la concurrence pour l'administration est rude). Une conséquence est la diffusion massive d'œuvres romaines dans les cercles chrétiens et donc dans les cercles de pouvoir, et une évangélisation accélérée (y'a pas mal de païens et de disciples d'Arius à l'époque de l'Empire, mais ça s'harmonise assez rapidement et on se convertit vite au catholicisme).

Donc forcément, et de façon très rapide, la façon dont on perçoit le pouvoir dans l'entourage royal est empreint de vision chrétienne, puisque les précepteurs sont des lettrés, donc des hommes d'église. Au début, le Roi est en fait vu comme le successeur de l'Empereur et du pouvoir Romain. Comprenez qu'il s'agit ici du successeur spirituel, c'est à dire que le Roi, par ses qualités et sa piété, est semblable au Princeps de l'idéologie Impériale, c'est donc que la nature de son pouvoir et sa dignité sont similaires (dans l'idéal théorique ).

C'est donc assez logiquement que le Roi devient dépositaire des devoirs de protection de l'église qui incombait aux Empereurs. Car le Roi est nécessairement un chrétien, et d'ailleurs il est partiellement responsable de la piété de ses sujets. L'église veille sur l'âme du Roi, le Roi la protège et la nourrit (en plus de la fonction pastorale, du Roi qui doit préserver la paix et la justice au nom de Dieu). C'est donc en cela qu'il est héritier de l'Empereur.

L'étendue de la "protection" est sujette à interprétation en revanche, on attend parfois du Roi que celui ci tranche les querelles théologiques, mais il arrive parfois que les Évêques se considèrent en quelque sorte comme le seul "tribunal" auquel un Roi est soumis. On a donc une relation contradictoire entre le concept de Roi protecteur et garant de la pureté interne de l'église et de Roi qui n'est que l'instrument de l'église.

Ça dépend un peu de la période et des souverains concernés, quand le Roi est vu comme tyrannique les évêques ont tendance à se considérer comme habilité à juger le Roi et à s'opposer à lui (dans une certaine mesure bien sûr), alors que si il est pieux ou que l'église est paralysée par des querelles internes elle est en mode "help plz"

D'autant que certains ont tendance à identifier le Roi comme une sorte de Prophète, ou disons à l'assimiler à David et aux Rois bibliques, notamment de par sa fonction pastorale, ce qui peut légitimer son intervention, car le Roi a reçu sa vision du Ciel. L'omniprésence des prêtres dans les cercles intellectuels conduisent en effet à une forte quantité de comparaisons et inspirations bibliques dans la vision de la Royauté, on insiste donc bien sur sa qualité de berger qui doit guider son peuple. Il a donc une responsabilité dans le degré de piété de ses sujets. On a d'ailleurs plus de références aux figures bibliques qu'à l'histoire strictement Romaine.

Tu as aussi pas mal d'insistance sur le fait que le Roi est soumis aux lois (contrairement a l'Empereur), il se doit de les respecter et ne les changer qu'avec l'accord "du peuple" (les Grands et les évêques), et encore, il faut qu'elles œuvrent dans le bon sens. Sinon, c'est une décision illégitime qu'on n'est pas tenu de respecter. Ça semble participer d'une certaine idée que le Roi est en partie Roi pour garantir le bien être de ses sujets (donc y compris respecter leurs coutumes). Ça a l'air d'être la justification idéologique du compromis pratique qui s'est mis en place pour faciliter la cohabitation entre habitants Romains et barbares (chacun ses propres lois toussa toussa), mais ça semble être aussi partiellement tiré de la vieille idée que le Roi est Roi pour le bien de ses sujets, toussa toussa.

Et Rome dans tout ça ? La majeure partie des évêques ont tendance à penser que les Rois barbares sont plus ou moins soumis à l'Empereur d'Orient qui est toujours le souverain de la res publica romana et donc par extension monarque universel, toussa toussa. Disons qu'ils sont dans un rapport où ils obéissent à l'Empereur comme on obéit à un chef de famille : l'Empereur est un peu le pater familias de la chrétienté. Ceci dit, il y a une minorité assez importante qui a tendance à se dire que finalement, Rome n'est pas si importante que ça. C'était un instrument dans les mains de Dieu, mais toute chose a une fin et c'est désormais les Rois barbares qui sont Ses instruments. Après tout, même si on a un morcellement politique, on finit par avoir une unité religieuse : n'est ce pas la preuve que la res publica christiannica transcende plus ou moins les simples considérations politiques ? Celle ci est incarnée dans l'Eglise et non plus dans l'Empire. Finalement, la nature de l'état importe peu, tant que son dirigeant est un juste chrétien, Rois barbares ou Empereur unique : ils sont des vaisseaux et instruments valables pour la Cité de Dieu. Ça reste minoritaire comme point de vue, mais j'ai vu ça apparaître deux ou trois fois, alors je le mets.

C'est à peu près tout pour l'évolution de l'idéologie chez les royautés barbares entre 450 et 750. La réflexion se développe bien plus chez les carolingiens, mais je posterai ça un autre jour, sachant que j'ai fait un résumé rapide et assez condensé. Je reviendrai peut être pour rajouter des trucs, il est possible que j'ai oublié.
 

Valyrian

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Idéologie Royale : les Carolingiens

À la dynastie mérovingienne se substitue la dynastie carolingienne avec la déposition du dernier descendant de Clovis. À la légitimité par le sang se substitue la légitimité par le sacre : c'est du sacre, avec l'assentiment du Pape, que Pépin le Bref tire sa légitimité dans sa prise de pouvoir sur les mérovingiens. L'onction royale est tirée de la Bible après tout, dans laquelle Samuel oint Saül et David. L'onction est "l'investissement de l'âme du Roi par l'esprit de Dieu, et Dieu confère au Roi un pouvoir ainsi qu'une mission" , qui consiste évidemment à conduire le peuple vers la salvation.

Cette comparaison est d'autant plus forte que à ce moment là, ce sont les Francs qui sont l'épée de la chrétienté, qui repoussent les Omeyyades, qui envoient des missionnaires, etc. Le Roi est véritablement identifié comme à la tête du successeur des Hébreux comme peuple élu. Il est cependant à noter que le sacre n'entend pas uniquement légitimer le seul Roi, voir même la nation qu'il dirige, en fait, par ce sacre du premier des Carolingiens, on entend fonder une nouvelle dynastie d'élus de Dieu, successeurs d'une longue chaîne de dépositaires du pouvoir divin (le Pape interdit d'ailleurs aux nobles d'élire quelqu'un d'autre que les fils de Pépin en tant que Rois). On couronne en fait une nouvelle "race royale" et l'investit de la plus sacrée des missions. La grandeur temporelle et spirituelle est donc perpétuée dans la dynastie, qui doit se lancer dans une sorte de croisade eschatologique pour préparer le retour du christ. C'est pas trop dissimilaire au concept du Mandat du Ciel chinois, avec une nouvelle dynastie élue par le Ciel qui en remplace une autre qui ne faisait plus le boulot correctement.

Ce n'est donc pas surprenant que cette vision débouche finalement sur une restauration de l'Empire une cinquantaine d'années plus tard, quand on y pense. C'est assez intéressant, puisque les Francs ont quelque part skip les étapes de la construction de l'idéologie proprement Royale pour arriver directement à l'idéologie "Impériale" : la conception du Roi telle que décrite ici est celle attribuée traditionnellement à l'Empereur, alors qu'on aurait pu penser qu'ils auraient développé un axe moins cosmique et plus local dans la réflexion.

Bref, le Roi est vraiment comparé aux figures bibliques, bien plus que ce que j'ai mentionné plus haut pour les mérovingiens, je le souligne vraiment parce qu'il y en a 10 mentions par pages. Abraham et David sont souvent cités, David est surtout le modèle à qui Charlemagne est comparé de façon récurrente. C'est finalement logique : en reliant les Carolingiens aux royautés bibliques, on les a fait hériter du devoir de mener et rassembler le peuple élu, de recréer la Cité de Dieu sur Terre. Ça sous entend dans une certaine mesure que le Roi est l'instrument de l'église, mais en même temps celui ci doit s'occuper et s'assurer de son bon fonctionnement puisqu'il doit préparer le monde au retour du christ, d'où la fameuse croisade eschatologique dont je parlais plus haut.

Charlemagne, 11 ans avant d'être couronné Empereur (789), se décrit comme "Rex et rector", sous entendant que gouvernement du Royaume et défense de l'église ne sont désormais qu'une seule et même chose, mais il se décrit aussi comme "humble auxiliaire de l'église". Il déclare aussi vouloir émuler le roi Josias, qui a tenté de ramener son peuple dans le droit chemin : Charlemagne veut être " le médiateur de la Transcendance, l'admonitor et surtout le rénovateur de la Loi" pour citer mon bouquin. C'est d'ailleurs dans ce contexte que Charlemagne participe à plusieurs Conciles pour traiter de différentes hérésies en vogue, application pratique de ce concept.

Bref, c'est donc finalement sans surprise, d'un point de vue idéologique, que Charlemagne est couronné Empereur. Après tout, comme le déclare Alcuin, un grand lettré de la cour de Charlemagne, la hiérarchie des honneurs est la suivante : Église, Empire, Royauté. Or, l'Empire est vacant, et la papauté en proie à des querelles internes : les Églises du Christ reposent donc uniquement sur Charlemagne. Il est donc temps pour lui de prendre officiellement le manteau du champion du Christ. Alcuin ne pensait pas nécessairement à le faire couronner Empereur immédiatement, mais en l'occurrence, il dit que de toutes façons Charlemagne remplit dans les fait des fonctions semblables, alors autant agir comme tel et devenir véritablement le nouveau David.

Ceci dit, il semblerait que Charlemagne ne se soit pas trop identifié comme Romain. L'idéologie sous les 13 ans du règne en tant qu'Empereur de Charlemagne n'a pas tellement varié ni ne s'est développé. En fait, d'après ce que je peux lire, la restauration de l'Empire semble avoir été pris par Charlemagne comme une sorte de formalité juridique pour entériner une situation qui existait déjà de fait, mais qu'il concevait toujours l'empire comme l'hégémonie du peuple élu des Francs (donc pas nécessaire d'unité politique forte) plutôt qu'une restauration en bonne et due forme de la structure Impériale monolithique. Ceci dit il me semble que ça contredit un peu ce que j'ai lu ailleurs sur lui, il faut que je vérifie ça. Mais c'est ce que semble sous entendre mon livre en tout cas donc je le mets là.
 

Valyrian

Pilier
Querelles des Investitures : arguments Guelphes, arguments Ghibellins.

En gros, la position fondamentale des Guelphes, c'est qu'il y a séparation entre laïc et religion (logique). Or, les Princes sont des laïcs, et non des religieux. Certains théologiens utilisent la métaphore âme /corps pour décrire le fonctionnement Sacerdoce/Imperium : le devoir des Princes est d'être l'outil de l'église en la protégeant, d'être les garants de la justice divine, mais ils doivent donc nécessairement suivre l'église. C'est de là que les Princes tirent leur légitimité, en fait, pas d'autre chose. Au début, les premiers auteurs dont s'inspirent la réforme soulignent cependant que l'église doit suivre ses rois : une relation mutuelle en quelque sorte, dont le guide, et donc implicitement la partie supérieure, est l'église.

Or, plus tard on souligne le fait que les Royaumes et Empires sont des inventions humaines, dont la légitimité, toute relative, ne dépend que de l'intention et des qualités de leurs inventeurs.

L'église, elle, a reçu son investiture du Christ en personne : ainsi, elle est par essence supérieure et a reçu les droits de l'Imperium terrestre comme céleste, les clés de la Cité de Dieu sur terre comme dans les cieux. Il est donc non seulement hors de question que les Empereurs interviennent dans la nomination des Papes (donc RIP le Césaropapisme), mais en plus les Empereurs doivent suivre l'exemple de Constantin et montrer de l'humilité et de l'obéissance vis à vis de l'église, car "Il n'est pas juste que l'Empereur terrestre exerce son podestas là où ont été institués par l'Empereur du Ciel le principat des prêtres". L'église est la mère des Rois, en cela qu'elle les a engendré pour qu'ils deviennent les cohéritiers du Christ, et le Pape est doté des droits paternels sur les souverains.

C'est allé encore plus loin au fil de la réforme grégorienne : Jésus a délégué à Pierre la droit de lier et de délier, et lui a ordonné de paître ses brebis. Le Pape, Vicaire du Christ, est donc investi de pouvoirs absolus par le Christ lui même. Cela sous entend l'irrevocabilité des décisions papales et l'universalité de son pouvoir : il possède le pouvoir suprême sur tout et tous.

En plus, l'origine de la royauté est non seulement profane, mais profanatrice : "Les Rois et les Ducs tirent leur origine de ceux qui, ignorant Dieu, s'attachèrent sous l'action du diable, prince de ce monde, à dominer les hommes, leurs égaux, avec une cupidité aveugle et une présomption intolérable". Donc non seulement les Princes sont des laïcs, mais cette fonction de laïc les rend inférieurs en stature au plus miséreux, au plus pathétique, au plus bas rang de la hiérarchie ecclésiastique, qui elle est consacrée par Dieu, ce qui explique pourquoi même un Empereur ne peut ordonner un prêtre. Si les Princes veulent être légitime, ils doivent se soumettre inconditionnellement au sacerdoce, dans le but d'au moins la rendre utile. Tout Roi qui n'est plus utile a l'église se doit d'être déposé (comme le dernier mérovingien évincé par la dynastie carolingienne). On ne parle plus de coopération entre deux entités toutes deux respectables mais dont l'une est l'aînée de l'autre, mais de totale soumission à l'église.

En somme, la royauté, lorsque soumis à l'église, apporte le salut, mais dans nulle circonstances celle ci n'apporte la sainteté.

⁂​

Les Ghibellins, eux, ont plusieurs approches pour combattre ce point de vue idéologique. Déjà, il y a ceux issus du modèle plus traditionnel Franc/Carolingien, qui dit que le souverain dérive une partie du pouvoir de ses administrés : le Roi est Roi parce qu'il est bon et juste avec ses sujets, et c'est en partie de là que provient sa légitimité, une sorte de contrat social basé sur les qualités personnelles en quelque sorte (même si quand je dis ça c'est une simplification, c'est beaucoup plus une redite du contrat féodal qu'un contrat social à la Rousseau : le Roi doit être bon, juste et protéger ses sujets qui lui doivent en retour obéissance). C'est en partie cet argument qui a été utilisé pour expliquer la fin de la dynastie mérovingienne : ce sont les Princes et non pas l'église qui ont mis fin à leur règne, les prélats se sont contentés de donner un assentiment tacite. C'est apparemment assez proche des thèses d'Isidore de Séville, et je dirais que NMU le résumerai en gros par : "Le Prince doit être choisi pour ses qualités de cœur, qui elles même sont une légitimité en soi".

Il y a également ceux qui récusent la notion que les Princes, et notemment les Rois et les Empereurs, soient une fonction laïque. L'Empereur est spécifiquement choisi par Dieu pour instituer la Cité de Dieu sur Terre, sa fonction est donc sainte, sacrée et en fait plus sacrée que celle du Pape, qui n'a donc aucun droit d'intervenir dans les affaires temporelles (d'autant plus que la possibilité de lier et délier les serments concerne "les liens des péchés", et non pas les serments faits sur les Évangiles).

Il y a un autre bloc qui conteste la légitimité du pouvoir absolu du Pape. En effet, ils ont tendance à considérer que le pouvoir des conciles et synodes des docteurs de la foi sont supérieurs aux seules décisions du Pape, le Pape n'est donc pas infaillible et certaines de ses décisions, si elles vont à l'encontre du consensus des docteurs de la foi ou qu'elles sont en contradiction avec les règles traditionnelles de l'Eglise, peuvent être contestées . L'autorité éternelle des canons sacrés ne saurait être opposée par les caprices d'un seul, aussi le Pape ne saurait faire comme bon lui semble sur le plan spirituel comme sur le plan temporel.

Il y a également ceux qui interprètent le passage de l'évangile ou les apôtres disent à Jésus "Seigneur, il y a ici deux glaives [Le glaive spirituel et le glaive temporel, dont les réformistes estiment que le second est soumis au premier] ", et dans lequel répondit "Cela suffit" de la façon suivante :

La dualité entre spirituel et temporel, que Jésus a entériné en reconnaissant l'existence des deux pouvoirs, est supposée être mariée dans l'église, et l'un n'est pas supposé dominer l'autre : dans l'église le glaive spirituel consacre les Rois au nom du Christ pour qu'ils instaurent l'ordre de Dieu, là où le glaive temporel est l'épée avec laquelle les Rois défendent l'Église. C'est une coopération mutuelle entre institution égales toutes deux unies dans la lumière du Christ qu'implique cette dualité, en fait, l'Eglise est ici comprise comme la communauté des croyants : les Rois tout comme la petite église (comprendre : l'institution ecclésiastique) sont en quelque sorte les deux faces différentes, aux tâches certes distinctes, d'une même institution : l'Eglise et la Res Publica Christiannica (pas sur de l'orthographe mais tu m'as compris je pense).
 
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Valyrian

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Et t'en as retrouvé aucun depuis le 10 novembre ? Tu fouilles pas très très dur mon gadjo
J'en ai retrouvé plusieurs, notamment un sur le mariage et les prêtres au moyen âge. Mais faut que je les retrouve, que je les agence, et parfois que j'en réécrive entièrement certains qui ont imprécis ou juste mal écrits. Et puis faut remonter bien 150 pages Discord, et c'est chiant à faire :sueur:
 

Tigrou

Fdp d'admin
Membre du personnel
J'en ai retrouvé plusieurs, notamment un sur le mariage et les prêtres au moyen âge. Mais faut que je les retrouve, que je les agence, et parfois que j'en réécrive entièrement certains qui ont imprécis ou juste mal écrits. Et puis faut remonter bien 150 pages Discord, et c'est chiant à faire :sueur:
Utilise la fonction recherche faggot
Fais une recherche par auteur avec ton pseudo et ensuite utilise les mots clés du pavé recherché
 

Valyrian

Pilier
Utilise la fonction recherche faggot
Fais une recherche par auteur avec ton pseudo et ensuite utilise les mots clés du pavé recherché
J'utilise la fonction de recherche justement, mais je me souviens plus des pavés que j'ai tapé. La moitié des pavés retrouvés je les ai retrouvés par hasard en me tapant des pages et des pages de recherche par pseudo. Alors je recherche tout un bon coup pour rien oublier, mais ça fait 300 pages Discord quoi :sueur:
 
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