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Valyrian

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Mariage et sexe dans la première partie du Moyen-Âge (Georges Duby) (1/2)

Pour les moines, l'acte sexuel est terriblement et intrinsèquement mauvais. En fait, c'est probablement le plus important, puisque c'est l'un des plus tentants et qui apporte le plus de plaisir. Or, nous sommes sur cette terre pour souffrir après tout, et le plaisirs de la terre et de la matière sont l'apanage de Satan. C'est donc un pêché, et un péché d'autant plus grave qu'il tente tout le monde, même les moines. Il n'est toléré que parce qu'il faut bien repeupler le Paradis, donc faire des enfants.

Les religieux sont d'ailleurs unanimes : il n'y a qu'une différence superficielle entre les 'fornicateurs' et ceux qui sont en couples et mariés, et ce sont les moines, ces eunuques qui ont renoncé aux plaisirs terrestres (référence à une phrase de Jésus sur ceux qui se font eunuques pour suivre la voie du Seigneur, eunuques métaphoriquement parlant bien sûr.), qui ouvriront le cortège menant au Paradis lors du jugement dernier, alors que les hommes, mariés mais fornicateurs quand même, seront relégués en bout de file, loin de la lumière de Dieu, et on ne les acceptera que du bout des lèvres

Cette doctrine commence à évoluer au fil des siècles. Les religieux se sont rendus compte que ce genre d'idées ne risque pas d'être imposés aux ouailles laïques, et que puisqu'il est impossible de les faire adopter ce point de vue, il est alors du devoir des prêtres, ces bergers, d'organiser l'acte sexuel de la façon la plus morale (ou la moins amorale) possible. On encourage donc les laïques à se marier selon les règles de l'église. Petit à petit, cela va se transformer en véritable sacralisation du mariage selon des normes codifiées. La logique étant que les laïcs et les clercs sont gouvernés par deux lois différentes : si les prêtres ont le devoir d'exemplarité, car ils sont l'intermédiaire entre Dieu et ses ouailles, les laïcs doivent être guidés mais pas jugés selon de même normes : après tout il faut que l'humanité persiste jusqu'au jugement dernier. Les prêtres doivent restreindre les écarts des laïcs, qui eux ont pour devoir d'engendrer une descendance, même s'il leur est souvent demandé de la retenue dans le lit nuptial. En fait, le mariage est un remède à la concupiscence, on est pas censé, une fois marié, se servir de sa femme comme vide couilles h24. Disons C'est en quelque sorte un accommodement, vernis d'une couche religieuse, due à notre condition terrestre, pas quelque chose de bien en lui même.


C'est pour ça que les moines organisent la vie sexuelle selon des règles assez strictes : déjà les écarts fantaisistes étaient prohibés, même si on a pas énormément de précision sur ce que ça signifie précisément. Mais disons qu'en gros on ne doit surtout pas utiliser les parties ne servant pas à la procréation :hap: . Je peux donner deux trois 'problèmes' qui semblent récurrents : la masturbation (c'est d'ailleurs la même peine pour les célibataires utilisant une "femme vacante" ou une servante, on était donc relativement indulgents avec les célibataires fornicateurs. C'est le principe de la recherche du plaisir sexuel en lui même qu'on condamnait, donc même tarif pour masturbation ou sexe extra marital pour les célibataires. Il est ceci dit probable qu'il y ait une dimension de pragmatisme derrière cela dit, ne nous voilons pas la face :noel:)

Il y a des positions sexuelles prohibées (pas plus de détail, malgré ton envie irrésistible de petit décadent d'en savoir plus. Tu n'as pas honte dis ?), et il est puni de forniquer la veille de certains jours (dimanche, jours fériés). Évidemment, la sodomie, l'adultère et l'inceste sont fortement puni (pour l'inceste, c'est un euphémisme, on considère que c'est une non-union tellement c'est mal vu. Ce qui est étrange, vu que cette insistance particulièrement importante ne semble pas venir de canons bibliques. Elle est aussi parfaitement irréaliste : on considère incestueuse une union avec moins de sept degré de parenté. Dans des endroits à faible densité de population, c'est juste inapplicable. ). De même que le rapt (enlèvement de femme), fortement condamné, qui est particulièrement prévalent à une certaine époque.

Bien entendu, la polygamie est fortement réprouvée. Dans ce genre de mentalité, pour les prêtres, si tu as plusieurs femmes, c'est que tu cède à ta concupiscence, déjà que normalement t'es pas censé avoir de femmes du tout si tu veux être véritablement pur (l'idée que même une fois marié, il vaut mieux être abstinent persiste), deux femmes c'est pas terrible. Mais c'est aussi et surtout l'histoire de la loi évangélique d'une seule épouse qui prohibe la polygamie. Et puis on disait un Adam = une Ève, toussa . Cela n'empêche pas toujours les nobles d'avoir des concubines, et d'ailleurs c'était relativement répandu (ça se conjugue avec une relative présence de mariages "consanguins", entre cousins plus ou moins éloignés, qui a aussi été très réprimé par les prêtres. On ne sait d'ailleurs pas trop d'où vient leur insistance à interdire l'inceste "au septième degré de parenté" plutôt qu'un degré moins important).
 
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Valyrian

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Mariage et sexe dans la première partie du Moyen-Âge (Georges Duby) (2/2)

Le processus a commencé à faire son chemin dans les hauts cercles religieux de l'époque carolingienne, et les prêtres l'ont imposé progressivement aux laïcs entre le IX ème siècle et le XI ème, non sans heurts : Philippe I er de France fut excommunié trois fois pour Bigamie, Adultère et Inceste, et pourtant était convaincu d'être dans son droit. Il faut dire que l'aristocratie avait ses propres vues sur le mariage, et seulement une partie étaient compatibles avec la vision de l'église. Les grandes familles tombaient d'accord avec l'église pour la punition du rapt : après tout, aucun aristocrate ne veut se faire voler sa fille par un chevalier de basse classe qui veut une ascension sociale fulgurante. Mais pour l'inceste ou le divorce, les alliances matrimoniales et l'intérêt dynastique rentrent en jeux : si tel mariage est politiquement important, les aristocrates n'avaient cure de savoir que l’Église désapprouvait parce l'épousée ne respectait pas les conditions des 7 degrés de parentés, et lorsqu'il fallait un héritier à un Roi, l'aristocratie désirait de la souplesse sur les conditions de divorce. Tout ça pour dire que ce n'était pas toujours aussi facilement accepté qu'on pourrait le penser. Même certains moines étaient, disons, récalcitrants à se priver de tout plaisir terrestres :slip:

Pendant le début du Moyen âge (époque carolingienne jusqu'en l'an 1000), parmi l'aristocratie, il n'était pas rare d'avoir une concubine prémaritale qu'on écarte quand on décide de se marier 'pour de vrai', "dans l'honneur" (mariage qui donnerait des héritiers de plein droit, alors que le concubinage est au mieux de seconde zone : on se réserve le droit de chercher un meilleur pacte matrimonial, et d'ailleurs la répudiation d'épouse n'était pas non plus trop rare). L'idée c'était de protéger les intérêts des familles sans trop brider les jeunes.


Avec le temps ça évolue un peu en terme de mentalité aristocratique (le principe du clan et des grandes familles a tendance à disparaître, on préfère garder l'unité de l'héritage alors on garde des familles réduites, ce qui au passage force les cadets à aller en Croisade ou à prendre la toge), mais on a toujours des aventures, parfois des concubines etc. On a une évolution de mentalité, et on dit par exemple que si la polygamie c'est pas bien, il ne faut pas délaisser sa femme si elle n'est pas d'accord avec l'abstinence : ce serait l'inciter à pêcher, donc on ne servirait pas Dieu (l'idée de la nature luxurieuse de la femme est présente tout le temps).

Il y a en effet une idée persistante, que la femme est viscéralement vénale. Déjà elle est avide de sexe et risque de s'en servir pour corrompre l'homme, mais en plus elle est rarement digne de confiance. Elle est faible, mais elle est aussi changeante, elle ne joue pas franc jeu, et il y avait toujours le risque qu'elle trompe son mari ou que sait-je : sera t elle une seconde Ève à faire chuter son époux ? En plus, surtout pendant l'époque carolingienne, la femme est une étrangère, elle vient d'une autre famille / clan, elle est extérieure quoi. C'est la femme qui vient dans le clan de l'époux. Si la deuxième partie a fini par s'atténuer dans la deuxième partie du Moyen âge, la première est resté assez vive dans les mentalités, après tout c'est toujours d'actualité : si je m'absente trop de chez moi, ne risque-t-elle pas de me tromper ? Comment savoir que les enfants qu'elle me donne sont bien les miens ? Question d'autant plus importante pour les héritages. Sans doute cela a aussi joué dans les raisons qui ont aidé la monogamie officielle à s'imposer. Par le mariage cependant, les hommes étaient censé s'adoucir et les femmes devenir plus morales, un échange de bon procédés en somme.


C'est aussi, en parallèle, l'époque où florissent les hérésies, en réaction à cette réforme de l'église, et même parmi les plus hauts échelons. Certains considéraient tout acte sexuel comme ultimement déviant, essayer de sacraliser le mariage étant un abominable blasphème. Le sexe était prohibé, et les injonctions des prêtres à se retenir dans les rapports étaient pris avec sarcasme : après tout, pourquoi vouloir imposer des règles dans quelque chose de par essence mauvais et impur ? Ces derniers disaient : Peu importe qui vous prenez comme partenaire. Leurs opposant orthodoxes en déduisant que c'était la promotion de l'inceste, de la polygamie, des orgies mais en réalité il s'agissait plutôt de : Peu importe votre partenaire, vous pêchez. Suivant cette logique, les hérétiques accordaient les mêmes droits aux femmes : détachés des péchés de chair, ils se considéraient aussi assexués que des anges: plus donc besoin de tracer une ligne dans la façon dont on traitait hommes et femmes. De façon ironique, cette hérésie était identifiée à l'époque et parfois aujourd'hui comme révolution féministe avant l'heure, là où elle aurait plutôt tendance à nier le sexe tout court.
 
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Ouch

Mangeur de cocopops
l'aristocratie, il n'était pas rare d'avoir une concubine prémaritale qu'on écarte quand on décide de se marier 'pour de vrai', "dans l'honneur" (mariage qui donnerait des héritiers de plein droit, alors que le concubinage est au mieux de seconde zone : on se réserve le droit de chercher un meilleur pacte matrimonial, et d'ailleurs la répudiation d'épouse n'était pas non plus trop rare).
Pourquoi l'aristocratie avait-elle le droit d'avoir des concubin/concubines avant le mariage ? C'était autorisé par l'Eglise ? Le peuple en avait-il le droit ?
Après ça dépend, les nobles avaient-ils le droit de forniquer avec leur concubine ?


on considère adultère une union avec moins de sept degré de parenté
Comment ça ? En gros la relation est invalide ? Parce qu'un "adultère" c'est tromper quelqu'un en théorie.
 

Valyrian

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Pourquoi l'aristocratie avait-elle le droit d'avoir des concubin/concubines avant le mariage ? C'était autorisé par l'Eglise ? Le peuple en avait-il le droit ?
Après ça dépend, les nobles avaient-ils le droit de forniquer avec leur concubine ?




Comment ça ? En gros la relation est invalide ? Parce qu'un "adultère" c'est tromper quelqu'un en théorie.
Pour la première question c'est simplement un reliquat de la polygamie pré chrétienne. C'était à peine toléré par l'église mais uniquement parce que l'aristocratie avait du pouvoir :noel:

Effectivement je le suis planté, c'est l'inceste qui est au septième degré de parenté, je vais corriger ça
 

Martymcfly3

Pilier
Pourquoi l'aristocratie avait-elle le droit d'avoir des concubin/concubines avant le mariage ?
Ils ont pas le droit mais si on leur dit l'évêque se fait décapiter donc comment on fait ?

C'était autorisé par l'Eglise ?
Non.

Le peuple en avait-il le droit ?
Non.

Après ça dépend, les nobles avaient-ils le droit de forniquer avec leur concubine ?
Non.
 

Valyrian

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Moi j'apporte du contenu intellectuel et de l'activité au forum, tu apportes quoi toi hein Marty ? Ton Bibleposting c'est pas ça qui va faire avancer les stats hein moi je te l'dis entre nous hein voilà
 

Valyrian

Pilier
Ouais mais là merde elle fait pousser les plantes pour nourrir les miséreux. Est ce que tu fais pousser les plantes toi Marty ?
 
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