Réponse à
@Herrenschneider
Déjà il faut quelques notions pour répondre à tes questions, et on va se baser sur le contexte français.
Contrairement aux particuliers qui vont chercher un emprunt à la banque, les Etats « vendent » leurs dettes sur les marchés financiers. Cela fonctionne comme un système d’enchères (
adjudication est le terme exacte), on peut avoir plusieurs méthodes soit un taux unique pour tous soit un taux par créancier dans une fourchette donnée. Le taux dont je parle est bien entendu le taux d’intérêt auquel la dette va être remboursée.
L’Etat émet des obligations, par le biais de l’Agence France Trésor, sur le marché primaire, là où seuls les établissements autorisés que l’on appelle les « Primary Dealer » ou Spécialiste en Valeurs du Trésor (SVT) peuvent acheter des obligations. En exemple, on a JP Morgan, HSBC France, le Crédit Agricole, et beaucoup d’autres, ce ne sont que des établissements financiers. Il peut émettre des bons du trésor qui sont sur le court terme et des OAT qui sont sur le moyen/long terme.
on peut se dire qu’ils sont idiots d’acheter des obligations et des bons du trésor qui ont pour la plupart des taux d’intérêts négatifs ou des taux très faibles. Hormis pour les dettes à très long terme comme les OAT à 30 ans ou 50 ans, les taux sont vraiment faibles voire négatifs pour le court terme. Les Etats n’ont pas vraiment le choix, on a vu avec le post sur la monnaie commune que les taux d’intérêts dépendent de la masse monétaire, donc plus on injecte d’argent dans le système et moins les titres seront rentables. Il faut aussi ajouter à cela que les pays qui ont des taux d’intérêts intéressant sont considérés comme à risque, les investisseurs ajoutent au taux d’intérêt de base une prime de risque sous forme de pourcentage du capital emprunté. Et cette prime de risque dépend des agences de notation.
Tu as sans doute entendu parler des agences de notation Moody’s/ Standard & Poor’s / Fitch et d’autres. Pour résumer, ils font tourner les données macroéconomiques (PIB, chômage, Déficit public, etc) dans des algorithmes pour ressortir une note qui sera un indicateur sur la santé du pays. Meilleure est la note et moins risqué est le pays mais en contrepartie moins les taux d’intérêts seront intéressants. Par exemple Fitch nous donne la note de « AA » ce qui est une note de haute qualité, en sachant que la meilleure note possible est « AAA » donc cela va être un excellent indicateur.
En finance tout est question du couple (rendement ; risque). On sait que la France a peu de chance de faire défaut, donc d’annuler ses dettes, contrairement à la Russie en 1998. Et en plus de cela, la Banque Centrale Européenne a testé depuis 2008 le « quantitative easing » ou assouplissement quantitatif c’est-à-dire qu’elle rachète les dettes des Etats, sur le marché secondaire cette fois-ci, aux SVT qui l’ont achetés sur le marché primaire. En fait, ils sont sûr d’avoir des acheteurs donc de s'en débarrasser au cas où cela tournerait mal. Mais, comme il y aura forcément des acheteurs pour les obligations, le coût, ici le taux d’intérêt, va encore plus diminuer. Plus il y a de demande pour une obligation et moins le taux d’intérêts sera élevé.
Il y a aussi des règlements, les assurances vies comme les « fonds euro » ont l’obligations d’acheter des dettes européennes. Quand on possède un PEA, on ne peut acheter que des titres et des obligations européennes.
Du coup on a plusieurs facteurs qui explique pourquoi les banques continuent à acheter des dettes publiques peu intéressantes :
- Des relations de créancier/emprunteur de long-terme, pour être SVT c’est l’Etat qui valide donc il vaut mieux acheter ses obligations et être en bonne entente avec lui.
- La BCE qui sera toujours là pour racheter la dette aux SVT sur le marché secondaire, on a l’exemple de la crise des dettes souveraines.
- Le fait que le marché secondaire soit très liquide, il y aura toujours des acheteurs institutionnels ou non.
- Des obligations peu rentables mais à faible risque.
- Des obligations réglementaires d’achats de dette européenne pour leurs clients.
Ensuite, est-ce qu’avoir des créanciers étrangers est dangereux ? On a vu le cas de la Grèce et de l’Allemagne lors de la crise des dettes souveraines. L’Allemagne a fait pression pour que la Grèce revoit son budget et règle son déficit. On peut aussi voir le cas de la crise Argentine en 2002, les créanciers étaient principalement italiens et étaient très difficile à contenter. Les créanciers peuvent mettre la pression sur l’Etat pour qu’il modifie ses dépenses, pour qu’il revoit son budget, son système de santé par exemple, son système de retraite, son système de taxation, etc. Quand tu possèdes la dette de quelqu’un tu es bien placé pour négocier.
Aujourd’hui 54,80% de la dette français est détenu par des investisseurs non-résidents, cela peut être des institutions, des fonds souverains (Norvège, pays du golfe, …), ou des particuliers. La dette de l’Etat représenterait environ 100% du PIB, cela pèse lourd. On entend souvent parler du Japon qui a un taux d’endettement au alentour de 250% sauf que la majorité est détenu par les japonais eux-mêmes donc il n’y a personne pour faire pression sur eux, même quand il s’agit de finance ils sont nationalistes
J'espère avoir répondu à tes interrogations
